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Les civils dans la grande guerre

Voici le dernier volet du très riche #généathème de novembre, consacré à la première guerre mondiale. J’ai quitté cette fois les lignes de front pour tenter d’imaginer comment les habitants de Borso avaient vécu les combats tout proches.

Ferrucio Vedovotto WWI Draft Registration Cards, 1917-1918
Carte de recensement militaire de Ferruccio Vedovotto, en date du 5 juin 1917

En 1915 mon grand-père a 24 ans. Lorsque l’Italie entre en guerre aux côtés de la Triple-Entente, le 23 mai 1915, il n’est l’époux de ma grand-mère que depuis 23 jours. Il aurait sans doute été réquisitionné s’il n’avait été réformé à cause d’un handicap à une jambe. Son frère Ferruccio, plus jeune de deux ans, a émigré au Texas depuis 1908. Il a été enregistré lors du premier recensement des hommes vivant sur le sol des États-Unis et susceptibles d’être réquisitionnés. Je ne crois pourtant pas qu’il ait été envoyé en Europe. Il travaillait dans une mine, et réduire la production de charbon pour envoyer les mineurs au front outre-atlantique n’était sans doute pas une priorité.

La famille de mon grand-père n’a donc pas participé directement aux combats de la première guerre mondiale. Mais elle n’en a pas pour autant été tenue éloignée car, après la défaite de Caporetto et jusqu’à l’armistice, le front s’est établi à quelques kilomètres à peine de Borso. La population de la pedemontana du Monte Grappa avait assisté et participé aux aménagements initiés dès 1916 pour fortifier la ligne de crête, au cas où les Autrichiens parviendrait à avancer.
La Stampa -26-02-1918 (source : http://www.archiviolastampa.it/)
La Stampa -26-02-1918
(source : http://www.archiviolastampa.it/)

Et lorsque cette éventualité est devenue une réalité, le son des combats a dû rouler jusqu’au bas de la montagne. J’imagine les craintes des habitants de Borso, se demandant si les troupes italiennes allaient tenir ou si les Autrichiens allaient déferler dans la plaine. Ils avaient certainement entendu parler de la destruction d’Asiago ou de Gallio, villes de l’altipiano distantes d’une vingtaine de kilomètres, par les réfugiés qui avaient réussi à s’enfuir, et ils devaient vivre avec la peur d’avoir à fuir à leur tour et de tout perdre, y compris la vie.

La vie quotidienne elle-même était bouleversée par la guerre. Des divisions étaient basées à Borso, se préparant à monter au front. Les terrains agricoles avaient été réquisitionnés pour les exercices militaires et le stockage du matériel. Certains habitants visitaient les hôpitaux de campagne et y voyaient les horreurs de la guerre. Les cimetières militaires provisoires aménagés dans les villages se peuplaient inexorablement…
Contrairement à Romano d’Ezzelino, le village voisin, qui se trouvait sous les feux de l’artillerie autrichienne, Borso en était protégé par la configuration du relief. Mais des bombardements aériens frappaient les villes de la région comme Padoue, Castelfranco, Bassano, Venise…  Des avions abattus s’écrasaient dans les villages. L’un d’eux est tombé sur Borso, comme le relate La Stampa, en date du 26 février 1918.

Au final, l’ennemi n’a franchi ni la crête du massif du Grappa ni le Piave. L’armée italienne, soutenue par des troupes françaises et anglaises, a réussi à préserver du chaos les populations de la pedemontana. Mais l’impact de ce conflit a été si grand que près de 100 ans plus tard, cette montagne, ces combats et ces hommes ont encore toute leur place dans la mémoire collective.

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