ancêtres italiens

A la recherche de l’acte perdu

Au fil de mes dépouillements des registres paroissiaux de Borso, j’ai découvert récemment l’acte de décès suivant :

Disertore francese decesso 1814
Paroisse de Borso, décès 1800-1888, p. 39

19 Genn. 1814
Gio Gio:Batta figlio di Giuseppe Pignato disertore Francese nato nelle vicinanze
di Legnago d’anni tra i 20 e 30 morì jeri alle ore due tre circa pome
ridiane dopo 15 giorni di malattia chiamata la scabia che le ebbe impiega
to per ogni porte munito dei ss. sacramenti Penitenza, Eucaristia ed estre
ma unzione aggiuntavi la benedizione papale e la raccomandazione dell’a
nima. Il suo cadavere fu questa sera sepolto in questo cimitero
previa la licenza dell’Offiziale civile per me Arpte Munari e di tre
altri sacerdoti.

Soit :
19 janvier 1814
Gio:Batta (Giovanni Battista) fils de Giuseppe Pignato, déserteur français né près de Legnago et âgé de 20 à 30 ans, est mort hier vers 3 heures de l’après-midi après 15 jours d’une maladie appelée scabia qui l’a atteint dans tous les orifices (!), muni des saints sacrements de pénitence, d’Eucaristie et d’extrême onction, auxquels s’est ajoutée la bénédiction papale et la recommandation de l’âme (à Dieu). Son corps a été inhumé dans ce cimetière ce soir, avec l’autorisation de l’officier civil, par moi-même Munari curé et par trois autres prêtres.

Cet acte m’a interpellée à plusieurs titres :

    • Le qualificatif de “déserteur français” : en 1814, il s’agit vraisemblablement d’un déserteur de l’armée française napoléonienne, mais je doute qu’il s’agisse d’un français. Fils de Giuseppe, portant le patronyme Pignato, né à Legnago, ville située dans la province de Verona, Gio:Batta était sans doute un jeune homme de Vénétie enrôlé (de son plein gré ?) dans l’armée française.
    • La maladie qui a touché Gio:Batta est identifiée comme la “scabia” par le prêtre. En italien actuel, la scabbia est la gale ou scabiose, maladie infectieuse cutanée causée par un acarien. Aujourd’hui, cette pathologie n’est pas mortelle, mais qu’en était-il en 1814 ? Et que vaut le diagnostic du prêtre ?
    • La mention de l’inhumation après autorisation de l’officier civil confirme qu’à cette date Borso était encore sous la juridiction du Royaume d’Italie de Napoléon Ier et de ce fait régie par le code Napoléon qui avait instauré l’état civil.
  • Un étranger à la paroisse avait droit à quatre prêtres pour son enterrement. Aujourd’hui en France, les familles peinent à trouver un prêtre pour une simple bénédiction…

Mais la réflexion principale que m’a inspirée la lecture de cet acte est la suivante : n’y a-t-il pas, à Verona ou ailleurs dans le monde, un généalogiste se désespérant de trouver un jour ce qu’il est advenu au début du XIXe siècle d’un certain Gio:Batta Pignato, fils de Giuseppe ?

Une base de dépouillements mondiale ?

Et j’en suis arrivée à me demander s’il existait une base de données destinées aux généalogistes et permettant de renseigner ce type d’acte que je qualifie d'”orphelin”, c’est-à-dire relatif à une personne extérieure à la commune ou à la paroisse dépouillée. Et le fil de mes réflexions m’a conduit à élargir mon point de vue : une base de données recensant tous les dépouillements inclurait de facto ces actes orphelins.

Les initiatives en la matière sont à l’heure actuelle disparates en termes de couverture géographique et temporelle ou de modalités d’accès et sont en outre déconnectées. J’en ai répertorié ici quelques-unes.

En France, de nombreuses associations réalisent des dépouillements de registres, mais tous ne sont pas ne sont pas accessibles en ligne, et encore moins à tous. Un recensement de ces bases est disponible sur FranceGenWeb. Il inclut la base Actes en Vrac qui se propose de regrouper non pas des dépouillements systématiques mais des signalements trouvés au fil des recherches de chacun et Migranet, qui signale ceux qui se sont mariés loin de leur province ou de leur département d’origine.

Au Royaume-Uni, Free UK Genealogy ambitionne de transcrire les index de naissance, mariage et décès, les registres paroissiaux et les recensements du XIXe siècle pour l’Angleterre et le Pays de Galle pour en offrir un accès libre sur Internet.

Aux USA, de nombreuses institutions ou associations de généalogie s’emploient à indexer des registres et à rendre accessibles leurs relevés. Un certain nombre de ces bases sont répertoriées au sein du répertoire “U.S. – Free Searchable Genealogy Databases”.

En Italie, Friuli in prin vise à donner accès aux données d’état civil des personnes nées entre 1846 et 1920 dans les actuelles provinces de Udine et Pordenone. Nati in Trentino propose pour sa part de rechercher parmi un index index répertoriant les individus nés dans le Trentin entre 1815 et 1923. Calabria Exchange est un projet de mise en commun des images et des relevés des registres d’état civil des personnes ayant résidé entre 1800 et 1910 dans la province de Reggio di Calabria.

Sans oublier les ressources disponibles sur FamilySearch, que des bénévoles du monde entier s’emploient à indexer.

Il y a certainement bien d’autres initiatives de ce type, mais aucune à ma connaissance qui les rassemble toutes, dans une méta-base de données consultable en ligne, internationale, gratuite, indépendante de toute société commerciale, interrogeable par nom, prénom, période, pays, localité, nom des parents, des enfants, des témoins… et qui permette également de voir l’image des actes. Bref, une utopie de généalogiste.

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Une interconnexion mondiale des dépouillements, rêve ou cauchemar ? (crédit Grandjean, Martin – CC BY-SA 3.0)

3 Comments

  • Elise

    Merci pour cet article très intéressant !
    Je me suis souvent fait cette réflexion également, en découvrant des actes de décès d’hommes morts loin de chez eux. En attendant de savoir quoi en faire, j’avais conservé quelques actes de ce genre, en pensant les proposer à Migranet, par exemple. Mais ils ne s’occupent que des actes de mariage.
    Finalement, j’ai créé un arbre en ligne dédié sur Généanet afin d’y mettre toutes les informations que je trouve. L’avantage, c’est d’utiliser une base de données dans laquelle beaucoup de généalogistes font déjà leurs recherches par défaut (du moins en France), et de ne pas avoir à rechercher dans un Nième base de données.
    Ce n’est pas forcément optimal, mais c’est une façon de donner un peu plus de visibilité à ces informations, qui sont anecdotiques pour nous, mais peuvent être capitales pour d’autres généalogistes. Et j’espère qu’un jour quelqu’un trouvera l’acte tant recherché grâce à ma petite contribution 😉
    A bientôt,
    Elise

  • feuillesdardoise

    Bonsoir,
    J’ai également rencontré de nombreux actes “orphelins” au cours de mes recherches et je les mets parfois (souvent) de côté… Il serait bien effectivement de pouvoir les publier quelque part car ils pourraient être utiles à d’autres !
    A ce propos, comment fait-on pour publier un second arbre sur Généanet ? (Je crois avoir essayé autrefois mais sans succès…). Cela peut être une solution temporaire en effet, en attendant qu’une base de données universelle.
    Merci beaucoup pour cet article.
    Françoise

  • venarbol

    Merci pour ces commentaires, qui montrent bien que le partage est un sacerdoce pour les généalogistes.

    Pour publier un second arbre sur Geneanet, je crois qu’il faut créer un nouveau compte. Mais on peut conserver la même adresse e-mail de contact.
    Publier le signalement de ces actes “orphelins” sur Généanet est une bonne idée, quand il s’agit d’actes français. Malheureusement, étant donné la faible visibilité de ce site en Italie je doute de l’utilité de la chose dans mon cas.

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