Mortelles cloches
Au-delà de l’énumération des événements, les pages des registres paroissiaux sont également riches en indications sur la vie quotidienne de nos ancêtres et sur les moeurs de leur époque.
Au fil des pages des registres de décès de Borso del Grappa, un acte plus long que les autres a attiré mon attention.
Il relate le décès accidentel d’un tout jeune garçon :
Adi 14 Agosto 1653 Giorno di Giovedi sul hore 12 in cia
Mori zannetto figlio di Menico Bassanello di anni sei e mezzo
de una percossa di legno lasciato da alto a Basso da gente
che accomodavano le campane, lo colpi in mezzo della
testa, e fra hore quatro in circa nel medo giorno rese
l’Anima a lg Dio, con disgusto del Popolo tutto, per esser
quello, che ogni matina veniva a servire alla
santa messa che a tal fine erà venuto e non
hebbe tempo di prosege. il xx fine fu da me
Don Giuseppe lelij Rettor della Chiesa di S. Zen
di Borso ricevuto nella mia Casa ove spiro l’anima
e seppellito dal m. xxx Ro Sg Don Piero Guadagnin Pivn
digxx a Sa Eularia nel Cimitero della mia Chiesa.
En voici ma transcription :
“Le jeudi 14 août 1653, vers 12h
Zannetto (diminutif de Zuanne, variante locale de Giovanni) fils de Menico (variante locale de Domenico) Bassanello, âgé de 6 ans et demi est décédé après avoir été heurté par un morceau de bois lâché de haut en bas (!) par des personnes qui installaient les cloches (vraisemblablement dans le clocher). Il a été touché en pleine tête et a rendu son âme à Dieu le même jour, quatre heures plus tard environ. Toute la population a été amèrement touchée, car c’était lui qui chaque matin servait à la messe et c’est pour cette raison qu’il se trouvait là, même s’il n’a pas eu le temps de le faire. Il a été transporté chez moi, Don Giuseppe Lelij, recteur de l’église de San Zen de Borso, et il y est décédé. Sa sépulture a été célébrée par Don Piero Guadagnin, plébain de Santa Eulalia, et il a été enterré dans le cimetière de mon église.”
Le clocher du haut duquel le morceau de bois est tombé n’est pas celui que l’on peut voir aujourd’hui à Borso qui est postérieur à 1695, année du tremblement de terre de la Santa Costanza. Il s’agit du précédent, qui a été mis à terre par ce même séisme. Une vengeance posthume de Zannetto Bassanello ?
En mars 1654, les parents de Zannetto ont eu un autre fils qu’ils ont appelé également Giovanni. Ce n’était sans doute pas tant un hommage à leur fils décédé six mois plus tôt, qu’un hommage au père de l’un des parents, comme le voulait alors la tradition, qui était très respectée à Borso.
Outre le côté tragique de l’accident qu’il décrit, cet acte m’inspire un commentaire :
En 1653, il était normal qu’un garçon de 6 ans aille chaque matin à l’église, peut-être même tout seul, pour remplir son rôle d’enfant de chœur. Personne n’aurait songé à accuser les parents de négligence, ni le prêtre d’abus d’autorité sur un enfant. Je me demande même si les ouvriers responsables de la chute du morceau de bois ou leur employeur ont été inquiétés par la justice…
2 commentaires
Jean-Michel Girardot
Belle évocation d’un fait divers tragique. Votre commentaire est très pertinent : les ouvriers ont dû tout juste se faire remonter les bretelles ; et encore cela dépend de l’importance sociale du petit Zannetto.
venarbol
Merci pour votre passage. Zannetto était issu d’une famille de paysans qui n’avait sans doute pas une grande importance sociale. Son décès à néanmoins ému toute la paroisse, si l’on en croit le prêtre.