ancêtres italiens

Mes commentaires sur des outils et sites facilitant la recherche de ses ancêtres italiens

  • Copies d’actes d’état civil : de nouvelles contraintes ?

    Les généalogistes qui ont tenté d’obtenir des copies d’actes d’état civil auprès des mairies italiennes le savent : il n’est pas toujours facile d’obtenir une réponse positive. Et l’actualité du début de l’année 2025 peut faire craindre que la situation n’empire encore.

    Les choses s’étaient déjà compliquées en 2018, suite à la publication du décret italien transposant le règlement européen RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données). Selon ce texte, les copies intégrales d’actes ne peuvent être délivrées qu’à la condition de justifier sa demande par des motifs “juridiquement pertinents”. Dès lors certaines communes, considérant que la recherche généalogique n’est pas un motif suffisant ne fournissent plus que des extraits d’actes. (voir l’article de ce blog : https://www.venarbol.net/archives/14736). D’autres ne répondent pas, même négativement.

    Le nœud du problème : les demandes de reconnaissance de la nationalité italienne

    Si certaines communes italiennes sont réticentes à répondre aux généalogistes, il faut dire à leur décharge que les demandes d’actes auprès de leurs services de l’état civil ont augmenté de manière exponentielles depuis quelques décennies.
    Ce phénomène n’est pas uniquement dû à un engouement pour la généalogie. Il est aussi, et même majoritairement, imputable aux règles d’obtention de la nationalité italienne. En effet, d’après la loi de 19921 qui entérine le “droit du sang” (ius sanguinis), une personne est considérée comme italienne si elle peut démontrer qu’elle possède un ancêtre qui était Italien au moment de la proclamation du Royaume d’Italie en 1861.
    Durant les dernières décennies, le nombre de demandes de reconnaissance de la nationalité italienne faites par des personnes vivant hors d’Italie a explosé, passant par exemple de 4,6 millions à 6,4 millions entre 2014 et 20242. Elles provenaient dans leur grande majorité de personnes descendant des millions d’Italiens ayant émigré à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle et vivant en Argentine, au Brésil, aux États-Unis, au Canada, en Australie…
    En 2023 par exemple, les communes de Vénétie ont reçu plus de 12 000 demandes d’actes de la part de Brésiliens voulant constituer des dossiers de reconnaissance de la nationalité italienne3. Et ces demandes arrivaient très souvent dans des petites communes dont les services ne sont pas dimensionnés pour faire face à cet afflux. Début 2025, plus de 60 000 dossiers de reconnaissance de la nationalité italienne étaient en cours de traitement dans les tribunaux italiens.4 En 2024, la seule cour d’appel de Venise a dû traiter plus de 1000 dossiers par mois5. Des cabinets d’avocats et de généalogistes se sont même spécialisés sur ce marché très porteur.

    Certaines des personnes désireuses de se voir reconnaître la nationalité italienne sont sans doute animées par le souhait d’honorer leurs racines italiennes et de rendre hommage à leurs ancêtres qui ont traversé les océans pour offrir une vie meilleur à leur famille. Mais l’intégration effective de l’Italie à l’Espace Schengen en 1997 n’est sans doute pas étrangère non plus à cet engouement pour l’obtention d’un passeport italien, qui permet de franchir toutes les frontières de l’Europe sans visa ni contrôle et d’entrer aux États-Unis sans visa.

    Cette situation qui est devenue très problématique pour les communes et les tribunaux a amené les autorités italiennes a prendre certaines mesures au début de l’année 2025.

    Première mesure : validation d’une “contribution économique”

    Certaines communes avaient établi depuis plusieurs années une tarification pour la fourniture d’actes ou d’extraits, pour compenser le surcroît de travail provoqué par cet afflux de demandes. Ce principe était sujet à polémique mais il a été clarifié fin 2024.

    La loi de finances 2025 a en effet établi le principe d’une contribution économique (contributo economico) pour ceux qui demandent des copies d’actes d’état civil ou des extraits aux communes.6
    Les sous-sections 636-639 de l’article 1 de ce texte permettent aux communes de demander une contribution pouvant atteindre 600 € pour chaque personne majeure demandant des documents destinés à obtenir la nationalité italienne, et une contribution pouvant atteindre 300 € pour la fourniture d’actes ou d’extraits d’état civil de plus de 100 ans.

    Chaque commune est libre d’appliquer ce texte et de fixer ses tarifs, dans la limite de ce que prévoit cette loi. Toutes ne mettront pas en place une procédure payante, mais gageons que certaines ne s’en priveront pas. Il faut espérer que la mise en ligne des registres d’état civil sur Antenati se poursuive, pour que les généalogistes n’aient plus à solliciter les communes.

    Seconde mesure : révision de la transmission de la nationalité italienne par droit du sang

    Le 28 mars 2025, le Conseil des Ministres d’Italie a approuvé le décret législatif n°367 qui prévoit une modification des règles d’acquisition de la nationalité italienne par descendance : la transmission de la nationalité italienne ne remontera pas plus de deux générations. Une personne née hors d’Italie devra donc justifier de parents ou de grands-parents italiens pour se voir reconnaître automatiquement la nationalité italienne. Jusqu’alors il est possible de remonter sur au moins quatre générations.
    En outre le coût de la demande augmentera de 300 à 700 € et un organisme central sera créé pour gérer les dossiers et alléger les procédures au niveau des tribunaux et des consulats.
    Les nouvelles dispositions deviendront effectives si aucun recours n’est introduit dans les 60 jours qui suivent l’approbation de ce décret législatif (donc d’ici à fin juin 2025).

    Si la loi était finalement approuvée, le nombre de personnes demandant à devenir Italien par droit du sang devrait beaucoup diminuer. Les généalogistes pourraient alors peut-être espérer que les communes ne mettent pas en œuvre la “contribution économique”.


    1. https://www.normattiva.it/uri-res/N2Ls?urn:nir:stato:legge:1992-02-05;91 ↩︎
    2. https://www.ilpost.it/2025/03/28/regole-cittadinanza-ius-sanguinis/ ↩︎
    3. https://www.ilgiornale.it/news/cronaca-locale/veneto-boom-domande-brasiliani-cittadinanza-italiana-scoppia-2274649.html ↩︎
    4. https://www.ilpost.it/2025/03/28/regole-cittadinanza-ius-sanguinis/ ↩︎
    5. https://www.rainews.it/tgr/veneto/video/2024/12/da-oggi-comuni-possono-chiedere-contributo-economico-agli-oriundi-che-chiedono-cittadinanza-italiana-iure-sanguinis-d0526969-8151-4ec7-86fe-aec16df41253.html ↩︎
    6. https://www.senato.it/service/PDF/PDFServer/BGT/01441471.pdf ↩︎
    7. https://www.gazzettaufficiale.it/eli/id/2025/03/28/25G00049/SG ↩︎
  • Soldats de Vénétie sous la bannière autrichienne

    De la chute de Napoléon Ier (1815) à l’intégration au tout jeune Royaume d’Italie (1866), la Vénétie et le Frioul occidental ont été inclus dans le Royaume de Lombardie-Vénétie, rattaché à l’Empire d’Autriche. Cette période est tristement connue des généalogistes, car elle marque la fin de la tenue des registres d’état civil par les communes, qui avait été instaurée durant la période napoléonienne. L’enregistrement des actes de naissance/baptême, mariage, et décès/sépulture redevient la prérogative des seules paroisses. Les registres correspondants sont toujours conservés par les paroisses et ils ne sont malheureusement qu’exceptionnellement numérisés, et encore plus exceptionnellement publiés en ligne.

    Il est néanmoins possible de trouver certaines traces dans d’autres ressources, comme par exemple celles relatives au service militaire. La Patente Impériale du 17 septembre 1820 établit les règles de la conscription au sein du Royaume de Lombardie-Vénétie, qui était divisé en huit districts militaires. En Vénétie, le Gouvernement communiquait chaque année aux communes le nombre de soldats qu’elles devaient fournir, calculé sur la base de la population totale. Tous les hommes âgés de 20 à 25 ans non accomplis étaient susceptibles d’être enrôlés, à condition de mesurer au moins 5 pieds de Vienne (environ 1,58 m) et de n’avoir ni maladie ni infirmité. En étaient exemptés les fonctionnaires publics, les instituteurs et les professeurs, les prêtres et les séminaristes. Les recrues étaient sélectionnées parmi les conscrits par un tirage au sort et devaient accomplir un service militaire d’une durée de huit ans !

    Les fiches matricules

    Une partie des fiches matricules des soldats de l’Empire d’Autriche-Hongrie a été numérisée et mise en ligne sur FamilySearch. Elles figurent au sein d’une vaste collection classée derrière les mots-clés “Osterreich armee“, qui contient des registres matricules mais aussi des registres émanant d’hôpitaux militaires : https://www.familysearch.org/search/catalog/results?count=20&query=%2Bkeywords%3AOsterreich%20%2Bkeywords%3Aarmee
    J’avoue ne pas m’y être intéressée jusqu’à ce que je découvre voilà une semaine le travail de Monsieur Gastone Fusaro, qu’il a publié sur son site Archivio Fusaro. Il a dépouillé et indexé les films publiés sur FamilySearch relatifs au soldats de Vénétie et du Frioul enrôlés de 1814 à 1866 dans le 16° Infanterie Regiment (16e régiment d’infanterie), qui a combattu entre autres en 1859 à Solferino contre l’armée de Napoléon III, et le 8° Jäger Bataillon (8e bataillon de chasseurs). L’auteur du site indique s’employer à faire le même travail pour le 13° Infanterie Regiment.
    Gastone Fusaro a également publié sur son site des textes retraçant l’histoire de ces deux régiments et de leurs soldats de Vénétie.

    J’ai donc parcouru ces index à la recherche des jeunes hommes nés à Borso del Grappa, pour compléter l’arbre généalogique de toutes les familles de la paroisse, que je publie ici : Les familles de Borso del Grappa
    J’ai ainsi répertorié 50 jeunes hommes qui avaient été tirés au sort et avaient accompli leur service sous le drapeau autrichien : 48 au sein du 16° Infanterie Regiment et 2 au sein du 8° Jäger Bataillon. Les fiches ne sont pas faciles à lire, les mentions pré-imprimées sont en allemand, et le texte manuscrit est souvent difficile à déchiffrer.

    Exemple de fiche :
    Giacomo Barcarolo, né à Borso, district d’Asolo, province de Treviso, Vénétie (Venetianischen Land) en 1813, catholique, célibataire (Stand : ledig), sans profession (Profession : ohne)

    Ce soldat a été enrôlé dans le 16° Infanterie Regiment du 19 février 1834 au 25 octobre 1842
    Une mention est faite à un événement de 1835, que je ne sais déchiffrer.

    Pour certains de ces soldats, ces fiches indiquent qu’ils n’ont pas effectué tout leur service militaire au sein du 16° Infanterie Regiment mais ont été transférés dans le 80° Infanterie Regiment, qui comportait lui aussi un bon nombre de soldats originaires de Vénétie, en particulier de la province de Treviso, si j’en crois la collection que j’ai parcourue. L’un d’eux est passé dans la cavalerie, au 7° Chevauxlegers Regiment.
    A noter : le système adopté par les autorités militaires autrichiennes consistait visiblement à remplir une fiche par soldat et par régiment, ce qui ne facilite pas le suivi de la carrière militaire des appelés dans les archives.

    Francesco FABBIAN, detto Moretto, né en 1838 à Borso del Grappa, a débuté son service militaire au sein du 16° Infanterie Regiment en mai 1859, jusqu’au 1er septembre (?) 1860

    Il est ensuite transféré au 80° Infanterie Regiment, jusqu’au 3 novembre 1866

    De longues années

    Un service militaire qui occupe jusqu’à huit années de la vie d’un jeune homme, c’était certainement très long. Je n’ai relevé deux cas où le soldat s’est marié à Borso avant sa démobilisation, dans l’un des cas, le mariage a été mentionné sur la fiche matricule.

    Fiche matricule de Giovanni Battista MOZZELIN au sein du 16° Infanterie Regiment, dans lequel il a été appelé le 7 juin 1847 :
    en date du 26 novembre 1856, mention du mariage avec Teresa Angela GUADAGNIN

    Il sera définitivement libéré le 31 décembre 1857.

    Sur le mariage religieux, célébré dans la paroisse de Borso, le prêtre a indiqué que l’époux “è qua sempre domiciliato tranne anni nove in cui militò sotto l’austriache bandiere” : il a toujours été domicilié ici (dans cette paroisse) à l’exception de neuf années durant lesquelles il a été militaire sous la bannière autrichienne. Il a également mentionné que “lo sposo riporteva il permesso perché permessante dal Capitano del Reggimento” : l’époux a fourni la permission du Capitaine de son régiment.

    26 novembre 1856 : mariage à Borso de Gio:Batta MOZZELIN, di GBatta e di Domenica VEDOOTO, avec Teresa GUADAGNIN di Pietro e fu Maria Maddalena MARTINELLO (registres paroissiaux de Borso)

    D’autres avaient déjà choisi leur épouse et se sont mariés immédiatement après la fin de leur période militaire :

    • Sebastiano ZAGO a été démobilisé le 25 octobre 1845 et il a épousé Maria BASSANELLO le 13 novembre de la même année
    • Domenico ZAGO a été démobilisé le 25 octobre 1842 et il a épousé Maria DE PAOLI le 23 février 1843

    Une fin parfois tragique

    Tous les jeunes hommes dont j’ai retrouvé la trace du parcours militaire sous bannière autrichienne n’ont pas eu la chance de vivre leur démobilisation sereinement. La vie devait être rude en garnison, et leur fiche matricule mentionne un décès survenu avant leur démobilisation.

    Certains sont rentrés malades et sont morts prématurément :

    D’autres sont décédés à l’étranger :

    • Lorenzo PELLIZZER, incorporé le 3 février 1851, est décédé le 9 mars de la même année à l’hôpital de garnison du monastère de Hradisko, à Olomouc, aujourd’hui en République Tchèque (https://www.familysearch.org/ark:/61903/3:1:3Q9M-C9T5-HC65?i=485&cat=176780). Le registre des décès de l’hôpital, lui aussi disponible sur FamilySearch, indique qu’il a succombé au typhus
    Enregistrement du décès de Lorenzo PELLIZZER (source : https://www.familysearch.org/ark:/61903/3:1:3QS7-99VX-FDDH?cat=675783)

    En théorie, ces décès survenus hors de la paroisse auraient dus être signalés au prêtre, pour qu’il les enregistre dans ses registres. Pourtant je n’en ai trouvé aucune trace dans les registres paroissiaux, ce qui semblerait indiquer que la notification ne lui en est pas parvenue. Les familles de ces soldats ont-elles été mises au courant ou sont-elles restées indéfiniment sans nouvelle ?
    Pour Gregorio ZILIOTTO, une mention insérée dans le stato delle anime semble aller dans ce sens. Face au nom de Gregorio et de celui de son frère Sebastiano, le prêtre a écrit “passati a Venezia nel 1848 e di poi non si ebbe circa ai meddesimi alcuna notizia” : sont allés à Venise en 1848 et depuis lors, on n’a plus eu aucune nouvelle d’eux.

    Mention de la “disparition” de Gregorio ZILIOTTO, sur le stato d’anime de Borso

    Un mystère vieux de 175 ans a-t-il été résolu grâce aux fiches matricules autrichiennes ?

    Sources

  • vignette généathème remariages

    Remariage ou second mariage ?

    Dans cet article, librement inspiré du #Généathème de mai consacré aux remariages, je vais aborder un cas fréquemment rencontré par ceux qui recherchent leurs ancêtres italiens à la fin du XIXe s et au début du XXe s., mais qui est toujours intrigant lorsqu’on le découvre. Au premier regard, on pourrait penser qu’un vent de libération des mœurs a alors soufflé sur le tout jeune état italien, provoquant la naissance de nombreux enfants illégitimes. Mais la réalité est la plupart du temps plus prosaïque…