Challenges,  Généathèmes,  Vénétie

Schei ?

Le #généathème de juin est dédié aux “histoires d’argent”. J’ai cherché durant des jours de quoi je pourrais parler, mais je ne trouvais pas d’inspiration dans les documents que je possède sur mes ancêtres, qui sont essentiellement issus des registres paroissiaux et ne portent guère sur des questions financières.
Finalement une petite idée m’est avenue, presque à la fin du mois de juin. De quoi écrire un court article…

En cherchant comment mes ancêtres nommaient l’argent, un mot souvent entendu durant mes vacances en Vénétie m’est revenu à l’esprit :

schei : se prononce skèï (presque comme le skaï, mais avec un è ouvert) et désigne l’argent dans le dialecte de Vénétie

Avant 1800 : les lire et les soldi

Il ne s’agit pas d’un terme très ancien, lié à une monnaie de l’époque de la Sérénissime République. D’après les quelques pages des livres de comptes de la paroisse San Zeno de Borso qui sont parvenues jusqu’à moi et datent de 1700, les comptes étaient alors tenus en Lire (lire) et soldi (sous).
Ces pages rédigées en 1700 sont relatives à la reconstruction du clocher et la réparation de l’église, endommagés par le tremblement de terre du 25 février 1695 (Lire Séismes dans l’Asolano).

04/09/1700 – Extrait du livre des comptes de la paroisse San Zen de Borso (Archives paroissiales)
@ 4 9bre 1700 Bassano
Ho ricevuto io Horatio Navarini Nod.o
lire una soldi otto da sig. Zuañe Ziliotto
Deputato del Comun di Borso per haverli
fatto copia della parte presa nel Vici-
nato di d.(ett)o Comun per la restauratione
della Chiesa, campanile, e Canonica
di d.(ett)a Villa de dì 8. Marzo 1695
val ------ --------- £ 1 : 8
Horatio Navarini sopras.(critt)o



La somme de 1 Lire et 8 soldi a été versée à Horatio Navarini par Zuanne Ziliotto, pour la réfection de l’église (chiesa), du clocher (campanile) et du presbitère (canonica). Zuanne Ziliotto était mandé par la commune de Borso en tant que “deputato“, parfois appelé “uomo di comun”, qui était le représentant de l’assemblée de la commune appelée “vicinìa” (en vénitien visnà ou visnado).

D’où viennent les schei ?

Schei signifie argent en Vénétie, sans connotation de devise. C’est un terme familier, proche du français fric ou pognon.

L’histoire de ce terme remonte au début du XIXe siècle, alors que la Vénétie était sous domination autrichienne.
A cette époque circulaient en Vénétie des pièces de monnaies autrichiennes sur lesquelles étaient gravés la formule Scheide Münze, qui signifie “pièce de monnaie”.
Les Vénitiens ne connaissaient pas l’allemand et prononçaient ces mots à l’italienne, Scheide (qui se prononce ‘cha-ï-de’ en allemand) devenant schei qui se prononce ‘skèï’ en italien. En est dérivé par la suite le singulier scheo (‘skèo’), qui désigne la monnaie mais aussi une bricole, un truc de peu d’importance.


Pièce autrichienne de 1859, portant la mention “Scheide Münze”
(Rick.huszar, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons)

La fin en proverbes

Dans beaucoup de langues, l’argent est le sujet de nombreux proverbes. Les schei ne font pas exception à la règle, comme le montre ce petit florilège en Vénitien :

Ci g’a paura del diaolo no fà schei
Celui qui a peur du diable ne gagne pas d’argent

Le ciese le xe fate: co le ciacole dei siöri, co le besteme dei murari e co i schei dei poareti
Les églises sont construites avec les paroles des riches, les jurons des bâtisseurs et l’argent des pauvres

Schei de vilan e balote de can i xe sempre in mostra
L’argent des pauvres et les testicules des chiens sont toujours exposés

Chi che ga schei ga senpre rason
Celui qui possède de l’argent a toujours raison

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.