R comme riso
Il est de tradition de dire que les quatre piliers de la cuisine traditionnelle de la Vénétie sont : polenta, riso, fasoi e bacalà (polente, riz, haricots secs et morue séchée). Le riz possède en effet une place de choix dans la vie quotidienne et les recettes de cette région. Plus que les pâtes, il est au cœur de la culture de la Vénétie.
Au XIVe siècle, le riz était utilisé à Venise en tant que médecine et il se vendait alors au grain.
Il a commencé à être cultivé dans la zone de la Polésine (plaine du Pô) vers 1450.
Les autorités de la Sérénissime y ont vu l’occasion de bonifier des terres marécageuses jusque là improductives. L’activité était très réglementée et nul ne pouvait planter de rizière sans avoir obtenu une autorisation en bonne et due forme. Une loi promulguée en 1594 interdisait la riziculture dans les cours d’eau, restreignant cette activité aux vallées et zones submergées par les eaux et qu’il était impossible d’assécher pour y cultiver autre chose.
La culture du riz à grande échelle dans la plaine du Pô a pris son essor au XIXe siècle.
Le territoire de la Vénétie abrite aujourd’hui deux grandes régions productrices de riz :
- La zone du delta du Pô, où les rizières sont réparties entre la Polésine en Vénétie, et la région Émilie-Romagne. En sont issues les variété Carnaroli, Volano, Baldo et Arborio qui bénéficient de l’indication géographique protégée IGP Riso del Delta del Po.
- La plaine de Verona, qui produit la variété vialone nano, avec l’indication géographique protégée IGP Vialone Nano Veronese. Du vialone nano de la variété grumolo delle Abbadesse est également produit dans une zone située à cheval entre les provinces de Padova et de Vicenza.
Le riz entre dans la composition de nombreux plats typiques de la Vénétie. On le consomme essentiellement sous forme de risotto, mode de préparation où il est d’abord torréfié dans la matière grasse avant d’être cuit dans un bouillon, ajouté peu à peu. La consistance de ce plat peut être quasiment celle d’une soupe, lorsque le risotto a été préparé all’onda, c’est à dire que sa surface forme une vaguelette lorsqu’on incline son assiette, ou plus compacte si on laisse évaporer plus de bouillon pour obtenir la version asciutta (assèchée).
Les recettes de risotto traditionnelles sont nombreuses en Vénétie, comme le risi in mascara, ou riz masqué qui doit son nom aux légumes et herbes qui masquent la couleur et l’arôme du riz, le bazàri de Chioggia, dans lequel le riz côtoie haricots, courge, farine, lard et épices, le risi in cavromàn, qui inclut de la viande grillée de chèvre, hongre ou mouton, le risoto co e secole, qui est agrémenté des lambeaux de chair de bœuf grattés sur la colonne vertébrale de l’animal après qu’il a été désossé, le risotto di gò, préparé avec du gò ou ghiozzo (poisson de type gobie) ou le risi e figadini qui fait la part belle aux foies de volaille. Elles associent traditionnellement des aliments typiques de la région comme les asperges blanches de Bassano, les radicchio (variété de chicorée) de Treviso, Verona, Castelfranco, ou Chioggia, ou la courge de Chioggia si l’on fait du risi co la suca baruca. Il se dit enfin que le risotto del Doge, dans lequel le riz est accompagné d’huitres, était la recette préférée de Giacomo Casanova.
Risi e bisi
Mais la recette à base de riz la plus représentative de la cuisine de Vénétie est risi e bisi, soit “riz et petits-pois”, bisi étant le terme vénitien pour désigner les légumes appelés piselli en italien. Selon les puristes, il doit avoir une consistance de soupe dense et comporter autant de grains de petits-pois que de grains de riz !
Ce plat est intimement lié à l’histoire de la Sérénissime République de Venise et de son saint patron, Marc. Chaque 25 avril, jour de la saint Marc, les reliques du saint étaient portées en procession sur la place éponyme. Suite à la cérémonie, qui rassemblait les autorités religieuses et civiles, le Doge conviait les procureurs de saint Marc, les patriciens du Grand Conseil, les administrateurs de l’État et les ambassadeurs étrangers à un repas donné dans la majestueuse salle des banquets du palazzo ducale. Les mets servis étaient recherchés mais le menu commençait toujours par un simple plat de risi e bisi, réalisé avec les premiers petits-pois de la saison et qui marquait la renaissance, le retour du printemps.
Risi e bisi col piron, u che bon, u che bon!
(riz et petits-pois avec une fourchette, uhm c’est bon, uhm c’est bon !)
Au passage, vous aurez peut-être remarqué qu’en vénitien, fourchette se dit piron. Le terme est d’origine byzantine et vient du verbe “peirein”, qui signifie embrocher et a donné le néogrec “peironnion” = fourchette.
La recette
Ingrédients |
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Préparation | Coupez le lard (ou la pancetta ou le jambon sec) en dés ou en fines lamelles.
Pelez l’oignon et coupez-le en tranches fines. Faites-le blondir à la casserole avec le lard dans 3-4 cuillerées d’huile. Lavez les petits pois écossés et versez-les dans la casserole avec une pincée de sel et de poivre. Laissez-les cuire pendant une dizaine de minutes, puis versez le bouillon tiède et portez doucement à ébullition. Ajoutez le riz et laissez cuire en mélangeant de temps à autre jusqu’à ce qu’il soit cuit mais encore ferme. Laissez un peu tiédir avant de servir saupoudré de parmesan râpé et de persil haché. (source : http://www.campiello-venise.com/dossier/vie/recettes/risi_e_bisi.htm) |
8 commentaires
Sophie
Encore un article tout à fait savoureux qui en plus me fait apprendre que “piron”, nom de famille de ma sosa 153, signifie “fourchette”. 🙂
Annick H.
Oh! ça fait bien longtemps que je n’en ai pas préparé. Avec l’hiver qui arrive, bonne idée que de remettre ce plat en rotation. Je n’y mets pas autant de petits pois, mais anathème, j’ajoute des champignons!
venarbol
moi non plus je n’ai jamais compté les grains de riz et de petits-pois. Le risotto c’est bon de toutes les façons, avec des champignons aussi !